Claude Monicault n’est pas un inconnu pour qui collectionne ou étudie l’histoire postale de l’expansion française durant la période révolutionnaire et impériale: Robert de Fontaines [1] a largement souligné son action dans la mise en place des structures postales des « départements » réunis d’Italie.

Pour autant, le parcours personnel du personnage n’avait pas, jusqu’à présent, été établi avec précision. C’est dans le cadre d’une étude sur l’intégration postale du Piémont à la France [2] que nous avons pu consulter un dossier déposé aux Archives Nationales sous la cote LH/1905/65 : les divers documents qui le composent constituent les pièces d’une demande d’anoblissement auprès de Louis XVIII.

Parmi les documents réunis par Monicault, ses états de service (illustration ci-dessus) constituent la partie la plus intéressante.

Dans la tourment révolutionnaire…

Claude Monicault est né le 5 novembre 1767, il est le fils de Jean Louis Monicault, avocat près le Parlement [3] de Grenoble (fig.2) et directeur de la poste aux lettres de Valence (province du Dauphiné, actuel département de la Drôme). Le 1er décembre 1786, Claude devient premier commis dans le bureau de son père et lui succède dans le courant de 1791.

Fig.2 – Le Parlement des états du Dauphiné à Grenoble.

La France est alors prise dans la tourmente révolutionnaire: le 10 août 1792, après la prise des Tuileries, Louis XVI et sa famille sont emprisonnés et, le 22 septembre, la République est proclamée.

Les partisans et les notables de la défunte monarchie sont très vite suspectés: avec l’arrivée au pouvoir de Robespierre à l’été 1793 s’amorce la politique de « terreur » (septembre 1793 - juillet 1794) qui alimentera les tribunaux révolutionnaires (fig.3).

Fig.3 – Juges et assesseurs d’un tribunal révolutionnaire.

Issue de la bourgeoisie de robe et non de la noblesse, la famille Monicault n’en est pas moins mise en cause : le père et la mère sont arrêtés et Claude doit fuir à l’étranger. Ce n’est qu’après la Terreur qu’il rentre en France, parvient à se faire rayer de la liste des « émigrés » et à faire libérer ses parents : il réintègre alors l’Administration des postes.

Des missions de première importance !

Le 20 nivôse an IX [9 janvier 1797], il est nommé Inspecteur-général des postes françaises civiles et militaires en Italie: une fonction prestigieuse pour lui, mais aussi stratégique pour une administration postale française qui doit organiser l’acheminement du courrier des troupes de l’Armée d’Italie (fig.4), et préparer l’intégration postale de territoires italiens dont le processus de départementalisation est amorcé.

Figure 4 – Correspondance personnelle rédigée à Milan par Monicault [4] le 24 messidor an IX [13 juillet 1801] et adressée à Lyon. On peut y lire, pages 2-3 : « Dans 5 ou 6 jours je serai à Gênes, et avant de partir j’établirai d’ici à cette ville un courrier de deux jours l’un qui coïncidera parfaitement avec l’arrivée de celui de France, de sorte que les lettres partant de Lyon le 2 arriveront ici le 6, repartiront le même jour à midy (sic) pour Gênes où l’on pourra donc les recevoir le 7 au soir ».

Sa première mission sera, en 1798, de superviser la réouverture du bureau de la poste de France à Rome… les événements politiques et militaires n’en permettant cependant le redémarrage effectif vraisemblablement qu’en 1801 (fig.5).

Fig. 5 – Lettre en port dû confiée au bureau de la poste de France de Rome, durant l’hiver 1801, et acheminée par le courrier français jusqu’à Aix-en-Provence. Le tarif en vigueur est toujours celui de 1759 : 14 sous jusqu’à Aix, puis 4 sous pour le trajet Aix-Marseille… le tout désormais transcrit en décimes (9) depuis la mise en application complète de la loi du 27 frimaire an VIII.

En 1801, il a en charge l’organisation de la poste aux armées lors de la seconde campagne d’Italie puis, en 1801-1802, la mise en place des postes départementales dans le Piémont annexé.

Au début de 1803, l’Administration générale des postes l’envoie à Naples pour assurer l’installation du service postal du Corps d’observation français… Une série de missions réussies avec brio et qui lui valent une nomination de choix: la direction du bureau de la poste aux lettres de Lyon, une des premières villes du pays (fig.6).

Fig.6 – Lyon, à la confluence du Rhône et de la Saône (milieu XVIIIème siècle).

N’imaginons cependant pas que sa carrière italienne s’achève ici: en 1805, lorsque Napoléon décide d’annexer la république de Ligurie à l’Empire, il désigne Salicetti, le ministre plénipotentiaire de France à Gênes, pour en assurer le volet politique… et Monicault pour en assurer le volet postal!

A suivre…

Notes:

1. Robert de FONTAINES, Documents philatéliques, 17 articles publiés entre 1974 et 1980.

2. « L’intégration des départements réunis du Piémont à la France révolutionnaire », Documents philatéliques, n° 246 (octobre 2020) et n° 247 (janvier 2021).

3. Les parlements sont des cours de justice et des chambres d’enregistrement des édits royaux dans certaines des provinces du Royaume de France.

4. Collection de l’auteur.